Chaque année, le 18 décembre, c’est la journée internationale des migrants. Instaurée par les Nations Unies, cette journée est l’occasion de tordre le cou aux préjugés et de mettre le focus sur les apports économiques, culturels et sociaux des migrations aussi bien pour le pays d’origine que pour le pays d’accueil.
Réalité incontournable motivée par des raisons extrêmement diversifiées, les mouvements migratoires représentent de véritables défis pour nos sociétés. Des défis complexes et urgents que nous vous proposons cette semaine d’aborder au travers de la littérature et de différents documentaires.
Pour les enfants
“Je préfère qu’ils me croient mort” d’Ahmed Kalouaz – Rouergue (2011)
Après avoir été repéré par un agent recruteur, Kounandi quitte son Mali natal à 13 ans pour jouer au football en France. Il rêve déjà de devenir l’un de ces footballeurs africains que s’arrachent les grands clubs européens. Mais il va vite découvrir l’envers du décor : pour un seul élu, des centaines d’autres victimes de ce trafic de jeunes joueurs. Jugé pas assez prometteur, il se trouve rapidement abandonné dans la banlieue parisienne sans argent ni papiers…
Un roman bouleversant inspiré de faits réels qui marquera ados et adultes. Un gros coup de coeur.
“Les étranges” d’Eric Pessan – L’école des loisirs (2018)
Basile sait que de nombreux migrants passent dans la région. Il a entendu parler des camps et des trafics, des jeunes gens qui s’accrochent sous les camions et en meurent parfois. Il sait tant et tant de choses qui le concernent si peu ! Tout change lorsqu’il croise quatre garçons dans une gare désaffectée. Ils sont à cran, ils se cachent, la police les cherche depuis qu’ils ont fui le centre pour mineurs isolés. Quand l’un d’entre eux se fait enlever par des passeurs, Basile n’a plus le choix. Il s’embarque dans une nuit sans fin à la recherche de ce garçon qu’il ne connaît pas, cet étranger, prisonnier de la mafia.
“D’entre les ogres” de Gilles Baum et Thierry Dedieu – Seuil (2017)
Un bébé est abandonné, dans un panier, au cœur de la forêt… Lorsque l’ogre s’approche, il sourit. Voilà 200 ans que lui et l’ogresse voulaient un enfant ! Alors cette petite fille, ils vont la choyer. Blanche va devenir le centre de leur vie, leur unique préoccupation. Elle se régalera des mets les plus fins, elle sera habillée de soie. Mais un jour, Blanche s’étonne. Pourquoi ses parents ne mangent-ils pas la même chose qu’elle ? Que font-ils la nuit lorsqu’elle dort ? Blanche pose des questions et s’énerve de ne pas avoir les réponses. Alors l’ogre et l’ogresse prennent une terrible décision, la seule possible : ils décident de ramener Blanche dans le village des Hommes. Y trouvera-t-elle sa place et sa « vraie » famille ?
Un album émouvant et surprenant sur l’adoption et les différences. On adore.
“Migrants” d’ Issa Watanabe – La joie de Lire (2020)
Ils sont tous là, lion, toucan, cochon, éléphant, lapin, grenouille… tous différents mais tous avec un petit bagage à la main ou sur le dos. Dans la sombre forêt ils marchent. La Mort, joliment vêtue d’une cape fleurie, les suit, assise sur le dos d’un magnifique oiseau bleu. Compagne discrète, elle veille…
Ils marchent tous ensemble, courbés par la fatigue et la tristesse. Parfois ils s’arrêtent pour dormir ou manger, assis en cercle. Et soudain, ils aperçoivent la mer… Tous se précipitent pour monter dans une barque bien fragile qui ne peut supporter tout ce poids et finit par craquer. La Mort attend le bon moment…
Un album fort, sans texte, mais bien plus efficace qu’un long discours.
“Les derniers géants” de François Place – Casterman (2008)
Un jour de 1849, sur les docks de Londres, Archibald Leopold Ruthmore acquiert une curieuse dent, de taille impressionnante. Une dent de géant lui dit-on. Au bout de plusieurs années de recherche, il conclut que ces géants existent bel et bien, oubliés de tous. Il monte alors une expédition. Le voyage est interminable, les périls nombreux et Archibald arrive épuisé et seul au pays des géants. Il reprend des forces grâce à la sollicitude de ses neuf hôtes gigantesques. Pendant dix mois, il vit auprès de ces êtres fabuleux. Puis, Archibald décide de retourner en Angleterre et de recevoir la consécration que son exploit mérite. Il révèle l’existence des Géants et enchaîne les conférences dans le monde entier. Mais lors d’une seconde expédition, il découvre que son obstination a causé un épouvantable malheur…
Un incontournable des albums jeunesse magnifique et tragique à la fois. Une critique de la colonisation et de la manière dont l’occident traite l’”étranger”.
“Allers-Retours” de Nina Le Comte – CotCotCot Editions (2020)
La migration, un itinéraire kafkaïen bien souvent dépourvu d’humanité… Résilience et persévérance sont nécessaires pour encore espérer trouver une terre d’accueil. Un album tout en images précédé de l’épigraphe “Le sentiment de la misère humaine est une condition de la justice et de l’amour.” (Simone Weill, L’iliade ou le poème de force)
Un album sans texte aux illustrations douces, très réussies qui tranchent avec le désespoir de cette marche sans fin.
“L’écureuil et l’étrange visiteur” de Sebastian Meschenmoser – Minedition (2012)
Ce matin, l’ours se réveille, un être étrange venu d’ailleurs juché sur sa tête. Le voilà alors confronté à un sacré problème : que faire si cet extra-terrestre l’emporte, lui, vers une autre planète, ou bien s’il se met en danger tous les habitants de la forêt ?
Avec l’aide de son ami l’écureuil, l’ours essaie de trouver le moyen de se débarrasser au plus vite de cet étranger. Les choses pourtant ne se déroule pas tout à fait comme il l’avait imaginé.
“Planète migrants” de Sophie Lamoureux et Amélie Fontaine – Actes Sud (2016)
Depuis la fin du XXe siècle, le nombre de migrations a explosé. Aujourd’hui, on estime qu’un humain sur trente a quitté son pays de naissance. Pour des raisons économiques, politiques, climatiques… Il n’existe plus un endroit sur terre qui n’est pas concerné. Ces mouvements de population suscitent de nombreux débats dans les pays d’accueil comme la France. Pourtant, la France est traditionnellement un pays d’immigration massive.
Ce documentaire clair et précis propose un rappel historique de ce phénomène, et détaille habilement les questions et enjeux actuels auxquels les pays développés doivent répondre.
Un documentaire superbement illustré pour les ados.
Adultes
“Americanah” de Chimamanda Ngozi Adichie – Gallimard (2014)
Ifemelu quitte le Nigeria pour aller faire ses études à Philadelphie. Jeune et inexpérimentée, elle laisse derrière elle son grand amour, Obinze, éternel admirateur de l’Amérique qui compte bien la rejoindre. Mais comment rester soi lorsqu’on change de continent, lorsque soudainement la couleur de votre peau prend un sens et une importance que vous ne lui aviez jamais donnés?
Pendant quinze ans, Ifemelu tentera de trouver sa place aux États-Unis, un pays profondément marqué par le racisme et la discrimination. De défaites en réussites, elle trace son chemin, pour finir par revenir sur ses pas, jusque chez elle, au Nigeria.
“Patricia” de Geneviève Damas – Gallimard (2017)
Au Canada, Jean Iritimbi, un Centrafricain sans papiers, rencontre, dans l’hôtel où il travaille au noir, Patricia, une cliente blanche qui s’éprend de lui. Pour le ramener avec elle à Paris, elle vole le passeport d’un Afro-Américain. Mais Jean Iritimbi n’a pas dit à Patricia qu’il a une famille au pays, une femme et deux filles. Il apprend en les appelant qu’elles sont en route pour le rejoindre. Hélas, le bateau qui les transporte fait naufrage. On annonce peu de survivants.
Un roman à plusieurs voix, original et sensible que l’autrice schaerbeekoise a longuement documenté.
“Le ventre de l’Atlantique” de Fatou Diome – Livre de Poche (2005)
Salie vit en France. Son frère, Madické, rêve de l’y rejoindre. Mais comment lui expliquer la face cachée de l’immigration, lui qui voit la France comme une terre promise où réussissent les footballeurs sénégalais, où vont se réfugier ceux qui, comme Sankèle, fuient un destin tragique ?
Les relations entre Madické et Salie nous dévoilent l’inconfortable situation des « venus de France », écrasés par des attentes démesurées de ceux qui sont restés au pays, et confrontés à la difficulté d’être l’autre partout.
“A bord de l’Aquarius” de Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso – Futuropolis (2019)
En novembre 2017, les deux auteurs embarquent à bord de l’Aquarius, un bateau affrété par une ONG pour sauver des migrants en mer. Ils donnent la parole aux membres de l’équipage, mais également aux migrants recueillis, dont les témoignages sont souvent poignants, voire insoutenables.
“Ernesto” de Marion Duclos – Casterman (2017)
Ernesto est un grand-père pas très bavard. Il vit à Tours, mais son accent ne trompe pas : on sait bien qu’il vient de l’autre côté des Pyrénées. Le franquisme lui a volé sa jeunesse. Ernesto tait ses blessures. Et la vie file à toute allure. L’Espagne, les oranges grosses comme des melons, les melons doux comme du miel… Un matin, tout l’appelle. Et avec son vieux copain Thomas, le combattant pour la République prend la route.
“Bandoneon” de Jorge Gonzalez – Dupuis (2010)
1916. Un bateau part d’Italie et navigue pendant 40 jours. À l’intérieur, plusieurs centaines d’européens qui débarqueront finalement à Buenos Aires. Ainsi commence l’histoire d Antonino et de son fils Horacio. Ils vivront le processus de changement social, politique et culturel que l’immigration européenne produisit en Argentine au début du 20e siècle. Bandonéon, c’est l’histoire du tango, de la solitude et de la nostalgie de l’immigrant.
“Cent façons de ne pas accueillir un migrant : un abécédaire parodique” d’Yves Cusset – Editions du Rocher (2018)
Dans cet abécédaire parodique, à la fois drôle et glaçant, Yves Cusset traque allègrement nos peurs enfouies et nos fantasmes. Il s’appuie pour cela sur les propos très réels de nombreuses personnalités publiques, dont l’écho dépasse les limites de la droite anti-migrants – dans l’espoir qu’un rire salvateur, jaune ou de toute autre couleur, nous permettra de les exorciser.
“Ceci n’est pas une valise : récits arabes sous un ciel belge” Collectif – La croisée des chemins (2017)
Un ouvrage collectif à propos d’une Belgique multiple racontée en arabe par des écrivains venus du Maroc, d’Irak, de Syrie, de Palestine, d’Egypte et du Soudan.
Malgré les années passées dans ce pays où ils ont choisi de vivre, ils n’ont pas quitté pour autant la patrie de la langue arabe. Peut-être pour contrarier les frontières linguistiques qui sévissent ici sans nul besoin de douane. Ce sont des textes qui racontent les représentations de la migration dans la conscience créative arabe. Des récits arabes à propos de lieux belges, constituant d’une part un élément essentiel de la narration, d’autre part un simple prétexte pour des histoires purement orientales. Mais l’important est qu’ils éclairent l’expérience du créateur et les contours du lieu en même temps.
Que le lieu soit un refuge ou une terre d’exil, un lieu de résidence ou une patrie, le rapport avec lui est délimité par des événements grâce auxquels se diversifient les parcours et se différencient les destins.
“La double absence : des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré” d’Abdelmalek Sayad – Seuil (1999)
Abdelmalek Sayad restitue à l’immigration tout ce qui en fait le sens, c’est-à-dire le non-sens : par des entretiens admirables de délicatesse et de compréhension, il amène les immigrés à livrer le plus profond de leur intimité collective, les contradictions déchirantes dont leur existence déplacée est la conséquence. On ne pourra plus, après avoir lu le livre, regarder de la même façon les immigrés que l’on croise distraitement dans le métro ou dans la rue, ni écouter avec la même indulgence les discours dont ils font l’objet et qui, même les mieux intentionnés, les enfoncent dans leur étrangeté.