Le 8 mars 2019, la Belgique vivait sa première grève des femmes. Elles arboraient dans tout le pays des pancartes et banderoles aux slogans féministes peints en mauve, couleur symbolique du féminisme. Cet événement s’inscrit dans la lignée d’autres mouvements dont la Women’s March, la viralité des hasthags #MeToo et #BalanceTonPorc, ou encore les manifestations pour la dépénalisation de l’IVG en Amérique du Sud.
Cette prolifération d’évènements durant ces dernières années démontre que l’acquisition de droits constitue une victoire fragile, particulièrement lorsque les politiques s’orientent vers des idéologies régressives et s’imprègnent des discours aliénés aux valeurs patriarcales.
Pour briser ce carcan, vos bibliothèques vous proposent quelques oeuvres qui dénoncent et parfois dérangent.
“Faiminisme : quand le sexisme passe à table” de Nora Bouazzouni – Nouriturfu (2017)
« Quel rapport entre le patriarcat et une entrecôte ? Où se cachent les cheffes ? L’agriculture est-elle une affaire de mecs ? ». Dans son essai, la journaliste Nora Bouazzouni expose la misogynie ambiante dans le milieu de la grande gastronomie, un paradoxe lorsqu’on sait que les femmes ont été asservies depuis la préhistoire à la fonction primaire de reproduction et survie de l’espèce humaine. Ceci leur a valu d’être assignées aux tâches domestiques dont la cuisine. Mais lorsque la cuisine se professionnalise et passe de la sphère privée à la sphère publique, elle devient valorisante et noble, autrement dit, une affaire d’homme. Idem dans le milieu agricole. Nora Bouazzouni apporte une réponse parallèle à l’exclusion des femmes et leur manque de visibilité dans la sphère publique et professionnelle, une exclusion qui n’est pas sans conséquence sur l’écologie et l’économie. Un essai qui dénonce avec énergie et cynisme !
“Speak” d’Emily Carroll d’après l’oeuvre de Laurie Halse Anderson – Rue de Sèvres (2019)
Dans son adaptation graphique du roman de Laurie Halse Anderson, Emily Carroll narre le silence de Melinda, une adolescente qui tente de survivre aux persécutions et harcèlement qu’elle subit au lycée après avoir été violée lors d’une soirée. Enfermée dans son mutisme, la jeune fille se livre sur sa douleur, ses émotions et sa révolte face à son agresseur. Elle finira par libérer sa parole à travers une passion qu’elle se découvre. Un lourd secret, la solitude, un mutisme forcé, l’univers de l’adolescente est celui d’une victime dont le verdict de son entourage est coupable. Un véritable récit coup-de-poing !
“Churchill et moi” de Frank Giroud et Andrea Cucchi – Casterman (2018)
Dans cette bande dessinée, Giroud nous présente une histoire qui ne se focalise pas sur Churchill contrairement à ce que pourrait laisser prétendre le titre. Mais plutôt Clémentine Harper, une jeune femme de 20 ans vivant dans le Lancashire de la fin du XIXe siècle. Amoureuse de son voisin qui n’est ni plus ni moins que le jeune Churchill, son rang social lui laisse peu de perspective d’être auprès du jeune noble. Pour attirer son attention, elle se lance alors dans le journalisme et devient ainsi l’une des premières journalistes d’Angleterre, vivant une série de péripéties qui lui assureront une renommée dans le milieu essentiellement masculin. Un récit fictif certes mais qui semble toutefois emprunter quelques éléments de faits réels qui rappellent notamment Nellie Bly, journaliste américaine qui sera l’une des pionnières du journalisme d’investigation et qui constitue l’une des figures mises en avant dans le second tome des “Culottées” de Pénélope Bagieu. Aussi fictive soit-elle, la témérité et l’audace de Clémentine sauront vous séduire.
“Le féminisme : en 7 slogans et citations” d’Anne-Charlotte Husson et Mathieu Thomas – Le Lombard (2016)
La petite bédéthèque des savoirs, une collection qui met un point d’honneur à aborder des thématiques parfois complexes sous le format BD de poche, s’attaque dans son onzième tome encore une fois à un gros morceau : le féminisme. Cette petite bande dessinée vous présentera l’essentiel du féminisme sous différents angles : historique, sociologique, politique, économique et symbolique. Idéal pour comprendre les enjeux des combats encore d’actualité, Le féminisme en 7 slogans et citations synthétise efficacement le sujet et est la lecture adéquate à toute personne curieuse et désirant en apprendre rapidement sur le sujet. Une BD simple, efficace et qui plus est, pratique à emporter !
“Hidden Figures” réalisé par Theodore Melfi (2016)
Ou “Les Figures de l’Ombre” est un film biographique qui nous replonge dans les années 60’ durant lesquelles la NASA organise le premier voyage de l’homme sur la lune: la mission Apollo 11. L’histoire se focalise sur le quotidien de Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson, trois calculatrices afro-américaines de l’agence spatiale américaine et de leurs apports scientifiques malgré le climat raciste et sexiste de l’époque. Un film qui manipule avec brio l’intersectionnalité et qu’on ne peut qualifier autrement que de puissant, émouvant et humainement formidable !
“Combien de pas jusqu’à la lune” de Carole Trébor – Albin Michel (2019)
Il s’agit du roman biographique de Katherine Johnson. Les lecteurs ayant apprécié Hidden Figures pourront se délecter de l’histoire sur papier de la mathématicienne qui est parvenue à déterminer les trajectoires de la mission Apollo 11. À travers sa plume, Carole Trébor s’attarde davantage sur le chemin que suit Katherine avant d’arriver à la NASA, retraçant un bout de chemin de vie, de l’enfance à l’adolescence jusqu’aux premiers pas dans le monde des adultes, tout cela dans une Amérique où la couleur de peau est encore synonyme d’obstacles. Un roman jeunesse où les mathématiques sauront séduire les adolescents !
“Il fallait que je vous le dise” d’Aude Mermilliod – Casterman (2019)
Est une BD qui réunit deux récits sur l’IVG, sujet encore tabou et controversé, celui d’une patiente et celui du praticien. Aude Mermilliod raconte son choix d’avorter à 24 ans, un choix douloureux qu’elle ne regrette pas malgré le “foutoir émotionnel” et la douleur physique. À travers son histoire, elle tente de montrer que l’avortement, même réfléchi et voulu, n’est jamais facile à vivre. Elle rencontre Martin Winckler, médecin romancier qui s’exprime sur son choix de pratiquer des IVG et sa lutte contre les violences obstétricales, un sujet qu’il aborde auparavant dans son roman “Le Choeur des Femmes”. Une BD délicate, humaine, sincère et nécessaire.
“Les joies d’en bas : tout sur le sexe féminin” de Nina Brochmann et Ellen Stokken Dahl – Actes Sud (2018)
Une exploration du sexe féminin, voilà ce que nous proposent dans leur ouvrage les deux médecins norvégiens Nina Brochmann et Ellen Stokken Dahl. Les deux femmes invitent les lecteurs et lectrices à déconstruire et soulever tous les mythes autour de l’organe féminin. Les joies d’en bas est également un livre qui veut à la fois rassurer en répondant aux inquiétudes des femmes et les décomplexer de la relation qu’elles entretiennent avec leur corps. De l’anatomie du vagin aux menstruations, en passant par la contraception et l’hygiène sans oublier les risques d’MST, les deux femmes exposent différentes thématiques et parviennent à aborder avec un brin d’humour et de légèreté un sujet habituellement traité avec sérieux. Une lecture à découvrir ou redécouvrir absolument !
“Le mythe de la virilité : un piège pour les deux sexes” d’Olivia Gazalé – Laffont ( 2017)
“Le mythe de la virilité part du postulat d’une hiérarchie des sexes, d’une supériorité naturelle du masculin sur le féminin.” Cette dernière confère ainsi un pouvoir d’injonctions sexistes qui finissent par incarner un poids pour les hommes. Dans son essai, la philosophe Olivia Gazalé met en évidence les travers de ce mythe qui finit par se retourner contre ses créateurs : les hommes. Tant les hommes que les femmes sont depuis toujours victimes du mythe de la virilité. Initialement construite pour conforter les femmes au rôle de dominées et justifier ce rapport de supériorité sur le “deuxième sexe”, la virilité, représentation de la toute-puissance guerrière, politique et sexuelle, confine également les hommes à une image. Cet ouvrage permet d’aborder les inégalités de genre à travers un tout autre point de vue, celui de la masculinité. Un ouvrage intéressant qui suggèrent une tout autre approche !
“100 grandes femmes de l’histoire” Clémentine V. Baron – Quelle histoire (2017)
100 grandes femmes de l’histoire est un livre qui rassemble ici des figures féminines fortes, importantes, intéressantes, inspirantes et cela dans différents domaines : art, sport, littérature, cinéma, politique, art de la guerre ou musique. Pour chaque personnage est consacrée une planche courte mais reprenant l’essentiel de sa vie dans un univers graphique sympathique où les personnages sont représentés sous forme de chibi. La collection Quelle histoire a su séduire enfants et grands enfants avec ses petits livrets historiques et biographies qui font de l’histoire un véritable jeu d’enfant !